Avoir les cheveux « nappy » : simple choix esthétique ou démarche politique ?

Entre fantasmes et stéréotypes, les cheveux texturés et afro font encore l’objet de nombreuses interrogations. Quatre femmes nous confient leur relation à leur chevelure crépue, pas toujours facile à accepter au naturel.
Il y a quatre ans, j’ai fait le choix de lever le voile sur ma chevelure naturelle. J’avais tout juste 21 ans et l’envie irrépressible d’insuffler un vent de nouveauté sur ma vie. Un changement de tête qui se révélera être une prise de « position radicale » dans le domaine de l’esthétique.

Certains changent de coupe comme on change de chemise, sur un coup de tête, d’autres voient derrière cet acte une dimension cathartique. Pour moi, jeune femme noire, le passage à la coiffure nappy (contraction des termes natural et happy) s’est révélé être un geste émancipateur. Depuis l’âge de 5 ans, je portais mes cheveux tressés, laissant peu d’espace entre les pauses. Et pendant mon adolescence, j’insistais pour que ma mère me tresse les cheveux avec des mèches, tous les mois, systématiquement, alors que chaque session durait plus de 4 heures… Quel ado j’ai pu être !

Avec le recul, je pense que je ne voulais pas que mes camarades de classe me découvrent avec mes cheveux naturels, amputée de « cette coupe artificielle » qui était devenue, au fil du temps, une part de moi, de mon identité. Lorsque j’ai décidé du jour au lendemain de me couper les cheveux et de cesser toute expérimentation capillaire périlleuse, il y avait, au fond de moi, la volonté de me révéler aux yeux du monde, sans fard, sans masque, sans carapace sous lesquels me réfugier. Je voulais m’affranchir du diktat du cheveu lisse et long auquel de nombreuses femmes se soumettent.

Se révéler tel que l’on est
Un sentiment partagé par Amarillys S., professeure et doctorante en Histoire du genre. En 2015, elle décide de laisser ses cheveux en nappy, un peu par hasard, après les attentats parisiens. En cette période sombre, tout effort « d’embellissement » ou de soin esthétique lui parait alors dérisoire. Ce qui devait être du provisoire va finalement durer trois ans, alors qu’elle n’avait jamais osé une telle « mise à nue » auparavant.

« J’entretiens un rapport un peu conflictuel avec mes cheveux. Quand j’étais petite, je rêvais de les avoir lisses, mais plus maintenant », confie-t-elle. « J’ai finalement pris goût à ma nouvelle coiffure, la paresse s’est installée et j’ai constaté que c’était plus économique. » Aujourd’hui, porter les cheveux en nappy est pour elle « une manière de s’affirmer en tant que femme noire (…) et de faire valoir l’idée que la beauté est non seulement universelle mais qu’elle est aussi plurielle. »

Mais pour s’affranchir, il faut d’abord dépasser le regard d’autrui. Sur le coup, quand je suis moi-même passée à l’acte, je n’ai pas mesuré le poids de ce regard. Je me trouvais un peu moins jolie, – mes cheveux étaient cassés et hirsutes – mais je pensais être parfaitement en accord avec ma décision. C’est lorsque je suis sortie dans la rue que j’ai réalisé : je n’acceptais pas ma nouvelle image, et me présenter au monde, coiffée de la sorte, me déstabilisais. J’avais tout simplement honte. Honte d’avoir des cheveux crépus, honte de mon identité, honte de ma racialité. « J’ai eu très peur la première fois que j’ai mis les pieds dehors. Peur des regards. J’étais persuadé qu’on me scruterait et je craignais la réaction de mes élèves », se souvient aussi Amarillys. Un sentiment partagé donc.

Le regard de l’autre, entre fantasmes et stéréotypes
C’est surtout ce que l’on m’a asséné qui m’a bousculé. Les remarques, les critiques positives ou non, les palpations… Toutes ces interactions devenaient étouffantes. Je voyais ma chevelure devenir un objet de curiosité, un sujet à part entière auquel venait s’agréger un certain nombre d’a priori. Car oui, le cheveu afro a mauvaise presse et je n’en avais jusqu’alors pas pris conscience.

Dans son documentaire Meduse, cheveu afro et autres mythes, co-réalisé avec Adèle Albrespy, Johanna Makabi interroge notre perception du cheveu afro par le prisme du mythe de Méduse : « À travers le mythe de Méduse dans Les Métamorphoses d’Ovide, on s’est demandées de manière métaphorique comment la beauté des femmes noires semble « pétrifier » la société dans laquelle nous vivons » m’explique-t-elle. Le cheveu texturé est prisonnier d’une mauvaise image, tellement inscrite dans l’inconscient collectif, qu’il en vient à être stigmatisé par les communautés afro-descendantes elles-mêmes.

Dans l’une des séquences les plus marquantes du film, Johanna et Adèle interrogent trois hommes noirs dans un salon situé dans le quartier de Château d’Eau à Paris sur leur rapport aux cheveux des femmes africaines. Leur réponse est sans appel : ils aiment « les femmes avec de beaux cheveux, avec des cheveux lisses ». Des remarques qui ne m’ont pas vraiment surprise, si l’on part du principe que notre relation aux cheveux texturés découlent, en partie, des clichés véhiculés dès l’époque coloniale*.

Une nouvelle volonté : montrer le cheveu texturé
Si les stéréotypes persistent, il semble tout de même que sur l’échelle de l’acceptation du cheveu texturé, le curseur soit dans le vert. Dans le monde de la mode, nombreuses sont les modèles à arborer désormais cette coupe, comme l’australo-soudanaise Adut Akech et ses cheveux coupés ras ou le mannequin nigérian Mayowa Nicholas.

En France, le monde des arts et de la culture participe à cette nouvelle donne. Le nombre de conférences, de réalisations et de publications à traiter de ce sujet en atteste. L’ouvrage de la journaliste et activiste afro-féministe Rokhaya Diallo, Afro!, sorti en 2015 en est un bel exemple. Ce dernier rassemble les portraits d’une centaine de personnalités revenant sur leur relation au cheveu naturel comme Aïssa Maïga ou encore Christiane Taubira. »Je pense que la structure de l’ouvrage porte des messages sur la diversité du monde, sur la beauté de la diversité, sur la nécessité d’apaiser individuellement, collectivement, et sur le fait de se regarder tels que nous sommes », avait confié la femme politique lors du vernissage de l’exposition en 2017.

« Aujourd’hui, la question du cheveu texturé est très médiatisée. La prise de conscience s’est opérée dans les sphères individuelles mais également à un niveau plus collectif. La multiplication des chaînes YouTube, des blogs, des conférences, des ouvrages sont autant de signes de ce réveil. Le cheveu afro apparaît sur les podiums des couturiers les plus reconnus, est valorisé sur les plateaux des chaînes télé », m’explique Naïssa Kimbaza, membre actif de l’association Sciences Curls, créée en 2016 sur les bancs de Sciences Po Paris par Réjane Pacquit, Kemi Adekoya, Loubna Banou et Frank Gbaguidi.

De la question esthétique à la dimension politique
Mais si le cheveu texturé est rendu visible, c’est aussi pour des raisons politiques. « Le cheveu est éminemment politique, tout comme la question des poils chez les femmes. C’est lié au fait que notre société est basée sur des valeurs patriarcales, où la femme est un objet de désir », rappelle Johanna Makabi.

L’association Sciences Curls a pleinement intégré ce paradigme à sa réflexion. Sa mission première : déstigmatiser le cheveu texturé, en adoptant une approche pédagogique. « L’objectif de ces questionnements était d’arriver à passer de la question esthétique à la dimension politique », affirme Naïssa Kimbaza. Par ailleurs, les différents membres ont à cœur d’écarter tout discours prosélyte dans leurs réunions ou dans les contenus qu’ils diffusent : »Le souhait de l’association n’est pas d’imposer à tous un style de coiffure particulier, mais bien d’éveiller les consciences et de susciter un réveil à travers le questionnement des pratiques capillaires et des enjeux qui sont liés à la question du cheveu. »

Si le caractère militant et revendicatif du cheveux nappy ne peut totalement être évacué, la praticité d’une telle coupe, son esthétisme, restent des paradigmes à prendre en compte, comme pour toute autre coiffure. « Porter ses cheveux naturels ne devrait pas nécessairement être assimilé à une prise de position politique. Une femme aux cheveux texturés peut décider de couper ses cheveux par simple envie et choix personnel et non pas parce qu’elle a décidé de lutter contre les canons de beauté socialement imposés. La femme blanche aux cheveux blonds et lisses ne se pose pas de questions lorsqu’elle choisit de lâcher les siens. Pourquoi pense-t-on alors que c’est forcément le cas pour la femme aux cheveux afro ? Le cheveu texturé crépu ou bouclé par nature n’est pas plus politique qu’un autre type de cheveu. Il le devient dans l’interaction avec les autres. (…) lorsqu’il est oppressé, caché et infériorisé » conclut-elle.

Et c’est précisément ce qu’il faut garder à l’esprit. Le port d’une chevelure naturelle est avant tout un choix personnel, ne nécessitant ni la tentative de traduction ni le jugement systématique d’autrui. Après tout, comme dirait l’autre : « Je fais ce que je veux avec mes cheveux ».

Laboratoire Biologiquement

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